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Je ne crois pas que S et moi avons été réellement amis avant d'être plus intimes dans notre relation. Si on peut appeler ça une relation, d'ailleurs. Je ne lui racontais pas tout de moi, disons simplement l'essentiel, et lui en faisait tout simplement autant, qu'on soit quitte en quelque sorte. On avait un petit jeu, mis en place très rapidement après la rentrée. Il me disait quelque chose, et je devais dire s'il m'avait bien cernée. Exemple ? Il me disait "Tu aimes le vert", et je disais si oui ou non, j'aimais le vert. Un jour il a dit "tu m'aimes bien". Ca m'avait fait sourire, et mon silence l'avait donc fait sourire lui aussi. Arrivé donc au mois de février, on se rejoignait à la sortie du métro pour prendre le bus direction notre lycée. Souvent, je finissais ma nuit contre son épaule, et lui, il mangeait des clémentines, ou des pommes.  On avait une ardoise commune au petit bistro-brasserie du coin où l'on déjeunait quasiment tous les midis tenu par Guillaume, un chic type qui me manque beaucoup. Il passait son bras sur mes épaules, me volait mes cigarettes de la bouche, buvait dans ma bouteille d'eau, rajustait mes cheveux au dessus de mes oreilles, ou mon écharpe quand ça ne lui convenait pas. C'est une écharpe qui nous a fait nous embrassé. J'aime bien la blamer, cette écharpe. Il tenait les extrémités dans ses longues mains et tirait légèrement dessus pour que je m'approche. Il a dit à mi voix "Tu vas m'embrasser". J'ai fait non de la tête, les joues devenant légèrement roses. J'ai dit "Tu vas m'embrasser", et il l'a fait. Ca peut paraitre idiot, léger, enfantin, ridicule, mais ça m'a évité de me sentir coupable pendant qu'il m'embrassait. Il tenait toujours les extrémités de mon écharpe, j'avais moi gardé mes mains dans les poches de mon manteau. Les autres de la classe nous regardait en chuchotant. Aucun ne savait que j'avais déjà quelqu'un dans ma vie, ou lui quelqu'un dans la sienne, on se sentait légitime, en temps que couple. On n'avait peur de rien, on était loin de chez nous, personne n'irait raconter ça. Plus tard Laura, qui était dans notre classe, m'a dit quelque chose que je n'oublierais jamais. J'avais trouvé ça particulièrement dur à entendre la toute première fois, mais finalement aujourd'hui ça me fait sourire. "Il pourrait choisir quelqu'un à sa hauteur, quand même". Je vous l'ai dit, je ne suis pas une jolie fille, pas vraiment. Je suis légèrement enveloppée, des yeux marrons, des cheveux foncés, un visage quelconque, je me rongeais les ongles, et j'ai quelques cicatrices de varicelle sur le visage. Mais que veux-tu, Laura, c'est moi qu'il a embrassée cette après midi de Février. Le soir de ce même jour, on a pris le même bus que le matin pour retrouver le métro, excepté que cette fois-ci, il m'a suivi jusqu'à chez moi, est monté dans mon appartement, a fumé une cigarette à ma fenêtre, et a dormi dans mes draps, a arraché un bout de mon coeur.